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terça-feira, 9 de novembro de 2010

#lula L'arrogance nouvelle du Brésil


Le Brésil a le vent en poupe. Plus que jamais. La croissance, l'emploi, le pouvoir d'achat… Pour couronner le tout, une élection qui se déroule comme sur des roulettes. Cent trente-cinq millions d'électeurs, et le résultat proclamé deux heures après la fermeture des derniers bureaux de vote ! Sans coup férir. Sans aucune contestation. Le 1 er janvier prochain, une femme, Dilma Rousseff, assumera pour la première fois la présidence de ce qui est devenu la huitième économie mondiale. Une Dilma Rousseff, déjà classée par le magazine « Forbes » au rang de 16 e personnalité la plus influentes du monde, devant la secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, et un certain… Nicolas Sarkozy (19 e).

La presse américaine aurait-elle aussi succombé à l'euphorie en jaune et vert ? Avant de s'emballer, il importe de ramener les choses à leurs justes proportions. Le Brésil a certes effectué un parcours impressionnant au cours des vingt-cinq dernières années, depuis le retour de la démocratie. Son potentiel commence juste à se matérialiser et le pays a un bel avenir devant lui. Mais la future présidente ne pourra guère se reposer sur les lauriers de Lula.

Luiz Inacio Lula da Silva, au pouvoir depuis 2003, se retire en beauté. Il a également eu le mérite, contrairement à d'autres gouvernants latino-américains, de ne pas céder à la tentation de réécrire la Constitution pour se maintenir au pouvoir. Il a préféré désigner sa dauphine, Dilma Rousseff, qui a bénéficié à la fois de sa popularité et de la bonne santé de l'économie. La capacité de rebond de l'économie brésilienne après la tourmente de la « grande récession » mondiale n'a fait que renforcer les convictions néokeynésiennes de l'équipe au pouvoir. Pour Lula et celle qui est appelée à lui succéder, comme il est doux de voir l'histoire leur donner raison contre « les banquiers aux yeux bleus » (expression utilisée par le chef de l'Etat brésilien pour stigmatiser la spéculation internationale) !

Les deux mandats présidentiels de Lula ont ainsi oscillé entre un pragmatisme en matière de politique économique et une volonté de mettre les points sur les « i », de passer un savon à tous ceux qui ont longtemps dénigré la capacité de la gauche à gouverner le pays. Mais, à ce petit jeu, un danger guette le Brésil : celui de l'autosatisfaction.

Le premier des périls consiste à vanter les mérites d'une croissance hors pair et de minimiser les déséquilibres qui commencent à surgir. Inflation, déficit budgétaire, déficit courant… rien d'alarmant en soi, mais, si l'on n'y prête pas garde dès maintenant, la dégradation continue des indicateurs pourrait finir par gâcher la fête. Les risques de complaisance, dénoncés tant par Ricardo Haussmann, de Harvard, que par Mario Marconini, un spécialiste brésilien des relations internationales, commencent à peser lourd. « Rien ne remplace un bon dosage de la politique économique », observe Nicolas Eyzaguirre, directeur du Fonds monétaire international pour l'hémisphère occidental. Or, dans le cas du Brésil, la politique économique demeure déséquilibrée. La politique monétaire (restrictive) continue à elle seule à supporter le fardeau, alors que la politique budgétaire demeure expansionniste. Au pire moment de la crise internationale, le gouvernement se targuait de mettre en oeuvre une « politique anticyclique ». Une politique qui a effectivement porté ses fruits, mais qui n'a pas, depuis, été infléchie. Le gouvernement ne le dit pas ouvertement, mais, dans la pratique, elle est bel et bien devenue « procyclique ». Le thermomètre de l'ajustement a longtemps été l'excédent budgétaire primaire, un critère comptable adopté par le FMI et repris à son compte par le gouvernement. Le problème est que, au cours des derniers mois, Brasilia a commencé à procéder à des opérations comptables « créatives » (pour ne pas parler de manipulations pures et simples) qui masquent la réalité et risquent d'entâcher à terme la crédibilité de la performance budgétaire officielle.

Pour l'instant, cette lente érosion ne compromet pas la performance de l'ensemble de l'économie, encore tirée par une forte demande pour les matières premières brésiliennes (en provenance des pays asiatiques, notamment). Mais l'économie brésilienne n'est pas à l'abri d'un retour de bâton. La croissance chinoise, prévoit l'Economist Intelligence Unit, va être divisée par deux à l'horizon 2020. L'Inde devrait également décliner légèrement. D'où la nécessité, pour le Brésil, de diminuer la dépendance à l'égard des matières premières.

Avec la confortable majorité qu'elle détiendra au Congrès, Dilma Rousseff pourrait très bien entreprendre une série de réformes structurelles susceptibles d'améliorer la compétitivité du pays. Les premières indications ne vont toutefois guère dans ce sens. Au lieu de relancer le projet de réforme fiscale, elle envisage d'emblée de ressusciter une taxe pour financer le secteur de la santé. Parmi ses priorités, elle cite également la sécurité. L'éducation ? « Les choses vont déjà dans le bon sens », dit-elle… Pourtant une étude du PNUD vient de confirmer que la scolarité moyenne des Brésiliens n'était que de 7,2 années, soit le même niveau que… le Zimbabwe ! Déjà, le manque de main-d'oeuvre qualifiée se fait cruellement sentir dans plusieurs secteurs.

Dans la foulée de son élection, Dilma Rousseff sera également jetée d'emblée dans le grand bain de la gouvernance mondiale, puisqu'elle sera demain aux côtés de Luiz Inacio Lula da Silva au sommet du G20 à Séoul. Le duo promet un tir groupé contre « la guerre des taux de change », expression popularisée par le ministre brésilien des Finances Guido Mantega. « S'ils [les autres gouvernants du G20] avaient déjà des difficultés pour affronter Lula, maintenant ils vont devoir affronter Lula et Dilma ! » s'emporte le chef de l'Etat brésilien, en parlant de lui à la troisième personne.

Même si le Brésil est aux premières loges, car sa monnaie ne cesse de s'apprécier, les discours enflammés, voire donneurs de leçons, risquent d'avoir une efficacité limitée. Mais, plus que jamais, pour le Brésil de Lula et de Dilma, le plus important est de pouvoir marcher la tête haute, en particulier au sein des grandes instances de la gouvernance mondiale. Sans complexe d'infériorité.

Thierry Ogier est correspondant des « Echos » à São Paulo




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